Le DPI-A, toujours interdit en France

Article de Juliette PRIME

Dans la plupart des pays, le diagnostic génétique préimplantatoire des aneuploïdies (DPI‐A) est autorisé aux couples infertiles depuis parfois plus d’une vingtaine d’années. Procédure de biopsie sûre, simple, elle permet de tester si un embryon est porteur d’anomalies chromosomiques. Le cas échéant, on écarte les embryons aneuploïdes : ceux qui n’ont aucune chance de déboucher sur une grossesse viable. 

Lors de la révision de la loi bioéthique, en 2021, le législateur n’a pas voulu l’inclure. À la place, il a été proposé aux praticiens de la PMA de mener un PHRC DEVIT : un programme hospitalier de recherche clinique. Si les recherches étaient concluantes, on l’autoriserait ! 

Mais le 7 février dernier,  les recherches sur le DPI-A ont été suspendues sur décision de justice saisie par la Fondation Lejeune, au nom de la protection des personnes porteuses de la trisomie 21. Motif retenu : ces recherches seraient illégales ! L’Agence de biomédecine, instigatrice du projet, a fait appel. 

Les conséquences : arrêt des recherches alors que des couples infertiles ont enfin réussi à avoir des bébés grâce à l’essai clinique, des professionnels qui se sont mouillé le maillot pendant des mois voire des années pour rien, des millions d’euros de budget de l’AP-HP jetés par les fenêtres, des faux espoirs pour les couples en cours de procédure…Et surtout,  la colère de nombreux patients et professionnels de l’AMP qui en ont marre de se faire balader, alors que de l’autre côté de la frontière, en Espagne, les taux de réussite des PMA sont de deux à trois fois plus élevés qu’en France. 

Malgré l’arrêt du DPI-A sur décision de justice, des femmes enceintes et ayant bénéficié de la procédure continuent à être suivies, et les investigateurs médicaux du projet continuent à collecter des données. Ils ne savent pas quand et s’ils pourront les publier. 

Du côté de la société civile, le collectif de patientes de l’AMP BAMP tente de faire bouger les lignes : le ministère de la santé s’est montré ouvert au dialogue à ce sujet, mais tous les efforts ont été réduits à néant avec la dissolution et la nouvelle élection de l’assemblée nationale. Philippe Berta, député Modem sortant, ne s’est pas représenté dans sa 6ème circonscription du Gard. Il était l’un des seuls soutiens politiques du DPI-A. Mais BAMP est déterminé à repartir à l’assaut et à reprendre les travaux parlementaires sur l’avancement du diagnostic, à partir à la rencontre de nouveaux députés et à obtenir leur soutien. 

Lors de mon enquête sur la souffrance des femmes en parcours de PMA, j’ai parlé à des couples qui n’ont plus le droit à l’AMP en France : ils ont atteint le quota d’inséminations artificielles (6) et de FIV (4) sans bébé au bout, et les centres ne veulent plus les suivre même quand ils acceptent de payer les frais que la sécurité sociale ne couvre plus au-delà de ces nombres. Ils sont orientés vers l’Espagne quand ils en ont les moyens, ou le don, pour lequel les listes d’attente dans les CECOS sont très longues : de 18 mois à 2 ans selon la zone géographique. Ils se sentent bloqués et ont l’impression d’avoir gâché leurs chances avec des implantations d’embryons non biopsiés. 

J’ai parlé à des femmes sur lesquelles les équipes médicales se sont acharnées en enchaînant les FIV et les transferts, sans jamais changer les dosages et les protocoles, et malgré des expériences de fausses couches voire même d’Interruptions Médicales de Grossesses (IMG) douloureuses et à répétition. Des femmes (et des hommes) en colère et qui veulent qu’on entende leurs souffrances. Elles pensent que le diagnostic, en écartant certaines hypothèses ou en confirmant certains doutes, permettrait d’éviter ces souffrances, de les apaiser…tout en leur permettant de prendre des décisions plus éclairées quant à leur parcours d’AMP.

Et enfin et heureusement, j’ai parlé à des couples qui sont rapidement devenus parents grâce au PHRC DEVIT en France, ou grâce au DPI-A à l’étanger. Ou encore qui, épuisés par de nombreuses tentatives infructueuses, sont allés faire le diagnostic en Espagne. Ce qui leur a permis de réaliser que leur problème ne venait pas de la qualité ovocytaire ou embryonnaire mais d’autres pathologies qui ont pu, une fois cette hypothèse écartée, être diagnostiquées, traitées et avoir à des issues heureuses. 

Pour toutes ces raisons (parmi tant d’autres), je pense, comme les associations de patientes de l’AMP telles que BAMP, comme toutes ces patientes, comme tout le personnel médical qui les suit, comme tout ceux qui les soutiennent et iels ne sont malheureusement pas assez nombreux dans la classe politique comme dans la société civile ou parfois jusque dans les cercles familiaux, que les essais français sur le DPI-A doivent reprendre. Et comme les équipes qui l’ont expérimenté disent que les premiers résultats sont plutôt encourageants, que des femmes qui avaient des parcours de PMA compliqués sont tombées enceinte ou sont devenues maman depuis, que faut-il de plus comme preuves pour faire accepter ce test ? 

Juliette PRIME

Juliette-Prime

Journaliste santé pour la revue spécialisée Profession Sage-Femme et pour la presse féminine (Marie Claire, Femme Actuelle…) : santé des femmes, reproductive, fertilité sont des sujets qui la passionnent, mais le Japon, les relations ados-parents aussi. Ex-journaliste radio, elle réalise également des podcasts pour Transfert de Slate et Louie Média. 

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Juliette PRIME

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