Entretien avec Frédéric DUBOIS

Ostéopathe spécialiste de la périnatalité, de la fertilité et du deuil périnatal

En tant qu’ostéopathe, qu’est-ce qui vous a poussé à développer l’accompagnement de l’infertilité ?

Le cheminement qui m’a amené dans cet accompagnement est une succession de petits choix « par hasard ». Kinésithérapeute de formation, j’étais intéressé par la technicité de l’accompagnement des sportifs et la thérapie manuelle. Je n’avais pas d’attrait pour la pelvi-périnéologie (je ne m’y suis d’ailleurs jamais formé), ni intellectuellement, par la gynécologie. Quand j’ai commencé à pratiquer en ostéopathie, j’abordais mes patients et mes patientes avec un interrogatoire complet qui couvrait les différentes sphères (cardio-pulmonaire, digestives, génito/gynéco-urinaire…) pour connaître leur historique, « lever des lièvres » et leur faire penser à des symptômes dont ils ou elles ne m’auraient pas parlé. Au bout de quelques semaines d’expérience, j’ai été sidéré de réaliser que, concernant la sphère gynécologique, la quasi-totalité des patientes (80-90 %), présentaient au moins de l’inconfort, sinon des douleurs (dysménorrhées, dyspareunies, altération de la durée du cycle et/ou de la quantité des règles).

Le fait de pouvoir verbaliser leurs symptômes a été pour beaucoup de patientes un soulagement. Dans la modeste mesure de mes moyens j’avais le temps de les écouter et n’étant absolument pas expert, je le faisais sans le moindre jugement. Beaucoup m’ont témoigné le fait de se sentir seules avec leurs symptômes, parfois ne se sentant pas écoutées par le monde médical (que leur intervenant soit un homme ou une femme) voire, renvoyées à leurs symptômes avec peu de tact : « Avoir mal pendant les règles c’est normal », « Je suis une femme je sais ce que je sais, c’est la vie », ou sermonnées avec des citations de la Bible.

Avec une sincère envie d’aider j’ai travaillé sans relâche pour collecter des expériences de patientes, des perceptions pour moi, avec pour but un soulagement des patientes. En quelques années, je me suis taillé un début de réputation dans ce secteur, les patientes faisant circuler mon nom quand elles avaient éprouvé un soulagement durable au niveau de leur symptôme.

De fil en aiguille, le sujet suivant est apparu comme une sorte de succession logique : « En fait, avec mon conjoint nous avons un projet bébé depuis longtemps ». Il est toujours difficile de savoir ce qui marche dans l’accompagnement mais à force, il y a eu beaucoup de cas de grossesses naturelles (simples) chez des patientes que l’on avait volontiers envoyé promener : « Madame, à votre âge vous ne pourrez pas/plus tomber enceinte naturellement ». Le bouche-à-oreille a fait le reste : depuis plusieurs années, il ne se passe pas un jour sans que le sujet émerge dans une consultation.

 

Pouvez-vous expliquer de quelle manière l’ostéopathie peut être une aide importante dans le cadre d’une infertilité ?

De mon point de vue, sur plusieurs plans, sans jamais se substituer aux spécialistes des domaines en question. On a un espace à la marge, aux lisières des différentes spécialités. Déjà, il y a une part de mécanique dans la reproduction, les structures doivent voyager (ovocytes, spermatozoïdes). N’en déplaise aux tenants de la biochimie, si la mécanique n’est pas libre, la circulation est altérée, ce qui ne favorise pas la rencontre, la nidation, la croissance, etc. Ensuite, bien que l’ostéopathie ne soit pas une discipline scientifique, elle a son point de vue sur la santé et la physiologie. Dans la culture historique de l’ostéopathie, on considère que la structure et la fonction sont interdépendantes et que les dysfonctions ostéopathiques (mécaniques non-organiques, fonctionnelles, donc souvent améliorables avec l’ostéopathie) risquent d’entraîner un trouble de la physiologie (fonctionnel lui aussi), par exemple, altération de la durée ou de la quantité des règles. Pour le dire simplement, on influence souvent la physiologie quand elle “bricole” chez les patientes. Y compris la physiologie gynécologique.

Par ailleurs, lors du parcours PMA, les patientes vivent parfois des situations douloureuses ou traumatiques (ponctions, prélèvements, injections d’hormones) et bien que le but soit noble et que cela aide de nombreux futurs parents, parfois, en ostéopathie, on répare les souffrances vécues par les patientes lors de certains de ces actes. Enfin, toujours en ne se substituant pas aux spécialistes (psychothérapeutes, hypnothérapeutes, etc.) parfois une écoute active humaine apporte, pour les souffrances émotionnelles vécues, un soulagement lors des échecs à répétition, des faux espoirs dont on doit faire le deuil, etc.

 

Recevez-vous des hommes ou uniquement des femmes, concernant l’infertilité ?

Les femmes constituent l’essentiel de la patientèle avec ce motif de consultation, mais parfois évaluer la situation de la physiologie chez l’homme peut être nécessaire quand la situation n’avance pas franchement ou que les délais sont courts (quand l’un des deux futurs parents est déjà assez âgé par exemple).

Alors, dans ces situations on fait face à deux options :

–     Soit l’homme est, d’après sa compagne, capable d’accepter l’idée que l’on vérifie si tout semble bon sous l’angle de l’ostéopathie du point de vue de sa capacité à se reproduire, s’il n’y a pas de facteurs défavorables que l’on peut lever ;

–     Soit, ce n’est pas le cas et il m’est arrivé de vérifier si tout fonctionne chez certains hommes que leur compagne m’envoie avec une demande purement mécanique (gonalgie, lombalgie, etc.).

Mais dans l’ensemble, les hommes sont de plus en plus ouverts à l’approche ostéopathique sur le sujet.

 

Quels sont les profils de patient.es les plus fréquents, que vous recevez en cabinet ?

Dur de répondre sans stigmatiser, mais le profil type serait une femme qui a fait des études, plutôt cérébrale avec un bon boulot (à engagement ou à responsabilité) type cadre, qui est souvent sur tous les fronts (animation de la vie sociale du foyer avec une bonne partie des tâches ménagère en bonus, qui souvent fait du sport de manière régulière, voire intensive). Avec comme “super-bonus”, beaucoup de copines du même milieu social qui ont ou ont eu des soucis pour devenir maman, ce qui ajoute à l’anxiété par anticipation. “Bonus” de physiologie, elles sont souvent réductariennes/végétariennes ce qui n’améliore pas leur terrain, selon la médecine chinoise.

 

Quel est l’âge moyen des personnes qui consultent, et la durée moyenne de votre accompagnement (ou le nombre moyen de séances) ?

C’est plus une fourchette de 32 à 42 ans avec un gros pic autour de 36-38 ans. Le nombre de séances est extrêmement difficile à définir. Parfois je ne vois les patientes qu’une ou deux fois, la plupart cela serait autour de trois à cinq fois et il y a des cas exceptionnels où cela peut monter à huit ou dix fois.

 

Avez-vous noté des changements ces dernières années, en termes de demandes, de types de prises en charge, de comportements, de problématiques physiques ou psychiques ?

Ce qui me semble progresser c’est le nombre de couples qui vont à l’étranger (le triptyque Belgique/Espagne/République Tchèque, en tête). Enfin, il me semble que de plus en plus de couples « lâchent » la PMA pour aller vers plus de naturel (faire confiance au destin, à la chance) alors qu’avant il y avait plus de couples qui ne se privaient d’aucune option (PMA + approches complémentaires).

 

L’accès à l’AMP pour toutes a-t-il eu un impact en termes de demandes de consultations ? Avez-vous noté des changements dans vos accompagnements ou dans les profils de vos patientes ?

Il y a un changement lié à l’évolution des lois et des mœurs, du profil des patientes avec l’apparition de plus de femmes seules qui ont un désir d’enfant, que par le passé.

 

Quelle est, d’après vos observations, la cause d’infertilité que vous rencontrez le plus fréquemment, sur le plan ostéopathique ou médical, si toutefois elle est identifiable ?

C’est dur de résumer à une seule cause, je vais plutôt en citer deux. C’est vraiment un point de vue personnel et c’est plus un retour d’expérience qu’une vérité :

1-   Une sorte de surmenage/épuisement avec un mode de vie très soutenu et une grande exigence personnelle combinée à l’évolution de notre assiette vers moins de viande (ce qui est super du point de vue écologique et économique mais qui ne respecte pas les principes de base de la nutrition selon la médecine chinoise) qui donne un « Vide de Sang de la médecine chinoise » (Xue Xu). Pas très ostéopathique, mais cela se règle très bien en donnant quelques conseils de diététique chinoise.

2-   Historique de traumatisme physique, psychologique et émotionnel au sens large (en général combiné) : antécédents d’IVG ou de fausse couche qui ne sont pas encore digérés ; suite d’attouchements ou de violences sexuelles dans le passé proche ou lointain.

 

Selon vous, l’aspect psychologique et émotionnel est-il déterminant dans les échecs ou la réussite des parcours d’AMP ?

Selon moi il est central. Dans l’absolu, il est même un prérequis qui, s’il n’est pas respecté, rend le reste au mieux désagréable sinon inefficace. Parfois c’est même « juste » un aspect humain qui est nécessaire. Il faut, je crois, toujours se rappeler que même si pour le professionnel il y a une sorte d’habitude, de routine, la consultation autour de ce sujet est une expérience unique, sensible, intime pour la patiente ou le patient. Cela touche à une sorte de transcendance, on s’inscrit dans le temps long avec la parentalité, quelque chose qui nous survivra et les patients issus d’une lignée qui se reproduit se sentent privés de cela.

 

Quel est, selon vous, l’intérêt de l’hypnose préconceptionnelle parallèlement à votre prise en charge en ostéopathie, dans le cadre de l’infertilité et de l’AMP ?

L’hypnose préconceptionnelle est un atout précieux dans le parcours des patients. Cela permet de comprendre le cadre familial, le système dont le patient est issu et parfois c’est déjà révélateur de bien des sources d’éléments défavorables pour la réussite du projet bébé. Et quand le praticien excelle, de traiter la plupart de ces éléments. On peut aussi réparer les souffrances vécues lors des fausses couches, « apaiser la relation » avec les enfants que l’on ne rencontrera jamais. Cela permet de se projeter : sur la grossesse, sur l’accouchement, sur la venue du nourrisson ou sur un échec possible et de mieux se préparer émotionnellement. Dans certains cas, cela aide les patientes à se « connecter » à leur bébé pendant la grossesse, ou quand elles doivent trouver un juste équilibre entre la confiance en l’avenir et la préparation à une déception possible (suite à de multiples déconvenues au cours des essais précédents). Bref, une sorte de couteau suisse émotionnel qui permet d’accéder rapidement à des résultats incroyables quand il est manié avec brio (et délicatesse).

 

Que conseillez-vous lorsque l’AMP n’a pas fonctionné ?

Quelle question difficile ! Déjà en parallèle de l’AMP, je conseille toujours aux couples de continuer à avoir une vie intime la plus « naturelle » possible, même quand ils sont au stade des FIV. Dans le doute, sauf problème organique majeur qui donne une stérilité définitive, je leur conseille de conserver un peu d’espoir dans une grossesse naturelle. J’ai déjà eu des cas de grossesses naturelles inattendues qui sont arrivées bien tardivement, quand tout espoir semblait perdu. Parfois, on évoque le processus d’adoption mais souvent, quand les patients ne l’amènent pas c’est que cela ne fait pas partie des possibles, pour eux. Sinon, j’essaye de les accompagner, simplement, modestement dans leur processus de deuil.

 

Quel conseil donneriez-vous à des personnes en désir d’enfant qui rencontrent des difficultés ?

Garder l’espoir dans leur santé, leur physiologie. Nous sommes tous issus de lignées qui se sont reproduites. Sur le papier, nous sommes capables de nous reproduire. Il ne faut pas faire siennes les croyances limitantes que les différents proches ou professionnels vont essayer de nous transmettre. Parfois, concernant les professionnels, c’est une manœuvre (inconsciente ?) pour se rendre indispensable ou pour protéger leur ego en cas d’échec. Sinon, mes conseils sont assez simples bien qu’à contre-courant des modes du moment. Pas d’excès de sport (plutôt des disciplines corporelles conscientes et respectueuses : Qi Gong, Yoga, Pilates, Tai-Chi), pas de positions trop radicales du point de vue de la diététique, bien respirer et surtout « vivre et prendre du plaisir », ce que l’on oublie parfois de s’autoriser.

Frédéric DUBOIS

Frédéric Dubois

Ostéopathe (diplômé de kinésithérapie et d’acupuncture), j’accompagne mes patients et patientes avec douceur en cabinet libéral à Tourcoing, depuis près de 20 ans.

Sensibilisé à l’accompagnement des personnes en désir d’enfant et/ou souffrant de troubles fonctionnels pelviens ou gynécologiques j’ai à coeur de trouver des solutions pour tous. Père de famille je sais l’accomplissement que peut apporter la parentalité.

38bis Rue Fidèle Lehoucq - 59200 Tourcoing

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Frédéric DUBOIS

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