Entretien avec Dr Aude BRUYNEEL
Médecin de la reproduction à Lille et cofondatrice de l’association Ma PMA et moi.
Mon but dans la vie c’était de faire de la PMA. En première, je faisais des exposés sur la FIV, je trouvais ça génial. Ça m’a toujours passionné.
Quelles sont les contraintes de votre métier ?
Ce métier doit être une passion parce que c’est très chronophage et on est face à des patientes qui sont en détresse tout le temps, à différents niveaux, bien entendu. Mais le désir d’enfant est tellement viscéral, tellement ancré, que c’est le pire qui puisse arriver à une femme. Certaines me disent « je préférerais être malade qu’être infertile ».
Si on ouvre les portes à écouter, à répondre aux questions, aux anxiétés permanentes, c’est très chronophage. On reçoit des dizaines et des dizaines de mails par jour. On peut choisir de ne pas y répondre, ça dépend comment on veut faire, mais on a des notes tous les jours. C’est la contrainte la plus importante.
La seconde contrainte est le fait que ce soit une activité au jour le jour. Si la patiente ovule demain, c’est demain. Le planning n’est jamais homogène. Parfois il y a six ponctions, parfois il y en a deux, cela dépend des jours. Le volume horaire est important sur la semaine et il y a également la contrainte de l’aspect administratif, les courriers, les 100 % fertilité, et bien entendu, tous les mails.
Souvent on me dit « ça doit être dur d’écouter les gens », mais ça, ça ne m’impacte pas parce que ça me rend heureuse d’aider des gens. Ce qui m’impacte c’est surtout le fait d’avoir l’impression de courir après le temps. Il y a également beaucoup de réunions, le midi, le soir. Ce n’est pas évident d’équilibrer vie professionnelle et vie personnelle.
Comment vous vous positionnez sur l’aspect relationnel médecin / patient ?
J’ai l’impression que c’est un peu inné. J’ai toujours voulu aider les gens et être dans le médical. Je ne sais pas si ça s’apprend. Il y a des bases, mais si on ne prend pas le temps, on ne prend pas le temps. J’essaie de prendre le temps de le faire, ça a du sens dans mon métier, je ne me verrai pas faire autrement, mais je pense qu’on a ça en soi, ou pas.
Quelle est la durée moyenne de vos consultations ?
Elles durent une demi-heure en moyenne, mais je suis souvent en retard d’une demi-heure. Parfois, certaines consultations gynécologiques entre deux sont plus courtes, d’autres nécessitent un temps plus long. On ajuste. Parfois il faut se revoir une deuxième fois.
L’âge de vos patientes a-t-il évolué ?
L’âge moyen n’a pas vraiment changé mais il y a des extrêmes. On pousse de plus en plus loin avec le don d’ovocytes. On les suit dans le cadre du don, mais dans les cas d’âges « avancés », je demande l’accord de l’obstétricien (par exemple dans le cas d’une femme de 47 ans qui veut une deuxième enfant par don d’ovocyte à l’étranger. Moi je ne refuse pas, tant que tout le monde est d’accord et a été informé des risques. Mais finalement il n’y a pas trop d’excès ou alors elles se font suivre à l’étranger.
Le comportement de vos patientes a-t-il changé ?
Ce qui a changé c’est que les patientes sont à la fois de plus en plus informées, et de plus en plus dans l’urgence de la réponse. Et ça, ça complique beaucoup notre métier. Les gens pensent parfois qu’ils sont tous seuls et ils veulent la réponse tout de suite. Parfois il y a de la « consommation ». Dans l’ensemble, ils sont très reconnaissants car ça touche à l’intime, mais ils ne se rendent pas toujours compte du temps qu’on passe à répondre à leurs messages. Il y a beaucoup d’anxiété, nous sommes parfois bombardés de questions. Certaines patientes peuvent se montrer très excessives et c’est parfois dur de leur donner des limites même si c’est nécessaire, notamment pour certaines personnes qui veulent tout contrôler, ont du mal à faire confiance au médecin, remettent tout en question, anticipent tout… On a deux psychiatres dans le service, je peux orienter les patientes vers eux ou bien conseiller des praticiens à l’extérieur, mais ça reste une démarche pas évidente d’aller chez le psy.
Les profils de vos patientes ont-ils évolué ?
Ce qui a vraiment changé c’est d’avoir maintenant des couples de femmes et des femmes seules. Les couples de femmes ça ne pose pas de problèmes, ce sont des couples comme les autres. Chez les femmes seules, il existe des situations et des histoires de vie complexes.
Qu’observez-vous chez les femmes seules qui viennent consulter dans le but d’obtenir une maternité solo ?
Le plus souvent tout est ok mais il y a parfois des profils pathologiques. Du coup, on a instauré une consultation psychologique obligatoire. Nous sommes parfois face à des femmes qui nous disent « j’ai été violée, je n’ai plus aucun rapport, je ne ferai plus jamais confiance à un homme » ou bien « je suis vierge », ou encore celles qui viennent avec leur maman… En même temps, on n’a pas forcément toujours de raison de dire non, elles sont équilibrées, ont un travail, des amis.
Y a-t-il des moments où vous vous sentez en porte-à-faux sur le plan éthique ?
Oui, cela arrive, c’est pour cela que nous avons des commissions tous les mois. Toutes les décisions qui nous posent problème passent en commission, on ne prend jamais de décisions seul.e.s. Les psys viennent à nos commissions. Nous réfléchissons toujours dans l’intérêt de l’enfant à naître. On doit réfléchir comme ça car nous sommes parfois face des patientes qui sont dans « l’enfant à tout prix ».
Parfois, on pointe des enjeux médicaux chez des patientes qui pourraient être facteurs de risques pour l’enfant à naître, ou pour les enfants déjà existants. Dans certains cas, nous faisons appel à un comité d’éthique pour les décisions les plus délicates, par exemple dans le cas où une femme voudrait un enfant de son mari qui est condamné par une maladie. Qui sommes-nous pour interdire ? Et puis parfois ça se passe mal, les gens portent plainte concernant certaines décisions.
Quels sont les taux de réussite en AMP ?
Nous sommes sur une statistique de 35 % de chance de réussite par transfert d’embryon pour des patientes entre 30 et 35 ans, ensuite ça baisse en fonction de l’âge.
Que pensez-vous de l’interdiction du test DPI-A en France ?
Cela est vécu comme une injustice par les patientes. La France est très protectionniste. Moi je serais pour, dans certaines indications, surtout dans le cadre des fausses couches à répétition, et surtout pour raccourcir le « time to pregnancy » : on sait quels embryons peuvent s’implanter ou pas et on ne va pas implanter des embryons qui ne vont pas être viables.
Je n’ai pas de problème avec l’idée de sélectionner des embryons, dans certaines indications et pas pour tout le monde. Mais on n’a pas du tout d’expérience. On en entend parler en congrès, on sait que c’est bien et que ça fait gagner du temps aux gens.
En termes de matériel, constatez-vous des différences entre la France et l’étranger ?
Par rapport à des pays comme l’Espagne, il y a des différences en termes de matériel. En France il y a des labos équipés de timelapse. C’est un plus, une aide au travail. Mais on peut aussi avoir de bons résultats sans ça. C’est clairement une aide précieuse mais c’est lié au manque d’argent. En France on veut que tout soit remboursé. À partir du moment où on paie, on a le matériel, mais ce n’est pas le fonctionnement français.
Que pensez-vous du test Matrice Lab ?
Ça circule tellement sur les réseaux que les patientes nous le demandent, mais une étude récente vient de démontrer que ça n’augmente pas le taux de grossesse. On y a beaucoup cru, c’était très prometteur car on n’avait pas de réponse aux échecs d’implantation, donc ça donnait une réponse à une demande d’amélioration. En FIV, au final, on fait de petites avancées mais le taux reste le même.
Quelle est, d’après vos observations, la cause d’infertilité que vous rencontrez le plus fréquemment (si toutefois elle est identifiable) ?
Ce qui est en augmentation c’est l’infertilité pour cause d’âge maternel. On observe de plus en plus d’insuffisance ovarienne. Ce n’est pas toujours synonyme d’infertilité, c’est pour ça qu’il faut faire attention à ne pas doser l’AMH en dehors d’un contexte d’infertilité (marqueur de réponse en FIV et pas en fertilité spontanée). On a de plus en plus de femmes de 30 ans qui ont une réserve ovarienne basse.
Les causes d’infertilité sont assez variables (causes tubaires, causes ovulatoires, causes spermatiques, causes inexpliquées…). Une des causes les plus fréquentes est le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), il est présent chez 10 % des femmes et il est souvent aggravé par le surpoids.
Dans certaines régions on le retrouve dans des proportions non négligeables. La cause est hormonale à la base, avec une mauvaise dynamique ovulatoire et mauvaise croissance des follicules. La cause est un dérèglement hormonal, on pense aussi à une petite part génétique et environnementale. Il y a des patientes qui n’ovulent pas et quand elles perdent 5 kg, elles se remettent à ovuler.
Le premier traitement du SOPK en cas de surpoids, c’est la perte de poids et d’avoir une alimentation mieux adaptée et une activité physique. Mais ce n’est évident de leur dire que le traitement c’est de perdre du poids, certaines préféreraient des médicaments pour ovuler, alors que parfois il suffit qu’elles perdent 5 % de leur poids pour se remettre à ovuler, alors ça vaut le coup.
Qu’en est-il de l’endométriose ?
10 % des femmes souffrent d’endométriose. Avant, les femmes avaient mal et on ne faisait rien, maintenant on prend ça en compte mais on peut être dans le surdiagnostic. On demande de plus en plus d’IRM pelviennes chez les femmes en raison de la médiatisation de l’endométriose et c’est bien car c’était sous-diagnostiqué. Il y avait en moyenne sept ans de délai entre le début des symptômes et le diagnostic. Il est souvent difficile de faire la part des choses car il n’y a pas de corrélation entre les douleurs et l’importance des lésions en imagerie. On peut avoir de toutes petites lésions et beaucoup de douleur et des femmes ont d’énormes lésions et n’ont pas du tout mal.
C’est une pathologie difficile à gérer. On est mieux informés sur la douleur aujourd’hui : il existe des algologues et une prise en charge psychologique de la douleur aussi. C’est souvent libérateur pour les femmes quand on pose le diagnostic d’endométriose. Il y a des solutions, avec certaines pilules, ça change la vie. Être prises en compte et entendues leur fait du bien. Il existe aussi des cas dans lesquels les femmes ont des douleurs pelviennes chroniques et on ne trouve rien à l’IRM, ni en cœlioscopie mais elles ont mal, on essaie de prendre en charge la douleur. Il y a souvent, dans ces cas-là, un traumatisme dans leur histoire.
Observez-vous parfois des demandes de prise en charge en AMP alors que le couple a peu de rapports sexuels ?
En consultation, cela fait partie de l’interrogatoire et on se rend compte, en effet, que certains couples ont très peu de rapports. C’est encore une question taboue. Il faut faire de l’éducation : quand on essaye d’avoir un bébé il faut avoir des rapports fréquents, tous les deux ou trois jours en période d’ovulation, car le sperme est renouvelé et cela n’est pas forcément connu. S’il n’y a pas eu de rapports depuis sept jours, le sperme n’est plus aussi qualitatif en termes de mobilité, par exemple.
S’il n’y a pas ou très peu de rapports au sein du couple, on oriente vers des sexologues. Les couples évoquent la fatigue, le travail… et cela ne s’améliore pas dans le cadre de la PMA car il faut programmer les rapports et faire l’amour pour concevoir. Si ce n’est pas évident au début, ce n’est pas la PMA qui va aider. Parfois, si l’âge avance on leur propose de faire des inséminations à la seringue. Pour les femmes vaginiques on fait une prise en charge en parallèle, mais ce ne sont pas des choses faciles.
Comment les femmes vivent elle la question de la perte de poids dans le cadre de l’AMP ?
La perte de poids chez la femme est toujours un sujet délicat. Elles le vivent souvent comme un jugement de valeur alors que ça ne l’est pas du tout. Cela fait vraiment partie du traitement. Il faut mettre des arguments scientifiques en avant : on sait que le poids diminue d’autant les chances de grossesse, les résultats sont moins bons, le corps va moins bien répondre, la qualité ovocytaire sera moins bonne, le risque de phlébite en cas de prise d’hormones dans le cadre du surpoids, est majoré.
Il y a beaucoup de patientes qui se braquent et ont du mal à accepter que le poids puisse faire partie du problème, d’autres en revanche en sont très conscientes et comprennent. Mais cela dépend de l’historique du poids dans leur vie. Si cela a toujours été un souci, un complexe, c’est d’autant plus dur de l’entendre dans l’infertilité. J’essaie de le dire le plus délicatement possible mais ce n’est pas toujours évident.
Un BMI très élevé peut rendre difficile l’accès aux ovaires pour les ponctions et comporte des risques dans le cadre de la PMA. Dans ces cas-là on doit établir un « contrat » avec les patientes, ce qui reporte d’autant l’AMP. Il existe des organismes multidisciplinaires comme Celiobe, avec une prise en charge psychologique, diététique, endocrinologique, sportive pour le surpoids. Mais il y a de l’attente. Globalement on manque de structure ou de personnes spécialisées dans le domaine.
Parfois on constate chez certaines patientes que la prise de poids est liée à des évènements précis dans leur vie et elles compensent en se remplissant. Pour certaines, la perte de poids est très difficile et quand il n’y a que la FIV possible et que le poids freine car on n’accède pas aux ovaires en ponction, elles sont très tristes et le parcours est très long, car on est coincés.
Selon vous, aujourd’hui les causes d’infertilité sont-elles plutôt d’origine féminine ? Masculine ? Ou impliquent-elles les deux sexes, indifféremment ?
30 % masculine, 30 % féminine, 20 % les deux sexes, 20 % inexpliquée.
Constatez-vous une méconnaissance de l’enjeu réel de la baisse de la fertilité ?
De manière générale, on ne sait pas vraiment qu’à partir de 35 ans la fertilité baisse beaucoup, ainsi que la qualité ovocytaire. Dans la tête des femmes la « barre » c’est plus la quarantaine et « tant qu’on y a droit, ça peut marcher » puisque c’est encore pris en charge.
Dans le cadre du plan gouvernemental, pour le dépistage de l’infertilité, il faut être prudent sur le dosage de l’AMH, ça peut faussement rassurer ou faussement faire peur. Il faut bien choisir les marqueurs et faire de la prévention. Dans tous les cas, il est bien d’agir au plus tôt pour faire un bébé et pour parler de la préservation de la fertilité.
Qu’observez-vous concernant la préservation de la fertilité, en France ?
Ce qui est difficile en France, comme on est le seul pays dans le monde où c’est remboursé, c’est qu’on ouvre la porte à tout le monde, sans qu’il y ait trop de réflexion en amont : « J’y ai droit, je le fais ». Si on devait payer pour conserver ses gamètes, on y réfléchirait plus. En même temps, c’est bien que tout le monde y ait accès, mais c’est à double tranchant car il y a une explosion des demandes et les délais sont très longs. Les délais dépendent des zones géographiques. Dans les grandes villes, il y a plus de demandes (jeunes femmes actives), en région parisienne, on avoisine les deux ans d’attente. On reçoit parfois dans le Nord des Parisiennes qui viennent car les délais sont plus courts.
Il faut avoir entre 18 et 37 ans et en moyenne, il y en a beaucoup qui sont à la limite, entre 34 et 37 ans. Le delta de chances de grossesse est nettement différent entre 35 et 40 ans donc oui, conserver ses gamètes est intéressant.
Observez-vous une baisse de la fertilité masculine ?
Depuis 50 ans on observe une baisse de 50 % des chiffres des spermogrammes. Les normes d’il y a trente ans ne sont plus du tout les mêmes, on est moins exigeants aujourd’hui. Les causes sont environnementales et en lien avec les habitudes de vies. Cette baisse est une réalité.
Quel est le rapport des hommes avec l’infertilité ?
l y a toujours eu un tabou concernant l’infertilité masculine. Chez l’homme cela touche à la masculinité, la puissance, l’ego. On le constate encore aujourd’hui. L’infertilité les touche profondément, ça les chamboule beaucoup. Ils culpabilisent que ce soit leur femme qui reçoive les traitements lorsque la cause est masculine. Dans ces cas-là, je leur explique qu’ils ne sont pas stériles car c’est ce qu’ils pensent souvent. Tant qu’il y a des spermatozoïdes il y a une chance de fertilité spontanée quand même, sauf dans les cas extrêmes. Ça peut arriver naturellement, mais mettre plus de temps et ça n’a pas du tout de lien avec la sexualité, ni avec le fait qu’ils « soient des hommes ».
Dans les populations d’origine africaine ou de confession musulmane, c’est un tabou, on n’en parle pas. La fertilité, la sexualité sont tabous et pas abordés au sein de la famille. Et là, on doit en parler, exposer les choses et c’est mal vécu chez les hommes (c’est d’ailleurs dans cette population que l’on a le plus de refus de recueil pour faire le spermogramme) et également chez les femmes, sur le versant vaginique.
Quels sont les examens le plus souvent prescrits en amont des traitements et protocoles d’AMP ?
Pour les femmes :
– Bilan hormonal, prise de sang pour voir la réserve ovarienne, identifier des causes de troubles du cycle, notamment la thyroïde, la prolactine, les androgènes ;
– Échographie pelvienne pour faire le compte folliculaire ;
– On recherche une anomalie de la cavité utérine et de l’endomètre et en cas de FIV prévue, on vérifie l’accessibilité aux ovaires ;
– Une hystérosalpingographie pour vérifier la perméabilité des trompes. Examen qui est souvent très mal vécu, parce que douloureux et très invasif ;
Pour les hommes ?
– Spermogramme au laboratoire par masturbation avec un délai d’abstinence de 2 ou 3 jours en amont.
Si anomalie, on effectue une échographie testiculaire et un bilan hormonal et génétique.
Quels sont les risques ou complications possibles des protocoles d’AMP ?
– Risques thromboemboliques avec les hormones (phlébite et embolie pulmonaire) c’est pour ça qu’il ne faut pas surajouter des risques avec le surpoids ;
– Risques d’hyperstimulation si la réserve ovarienne est importante. Avec les améliorations techniques, on sait mieux le gérer et les hospitalisations restent assez rares. Le Freeze all permet congeler l’intégralité des embryons le temps de faire retomber l’hyperstimulation, pour faire le transfert sur un autre cycle ;
– Ponction : hémorragie et infections, chocs septiques dans des cas très rares ;
– Risques anesthésiques ;
– Risque de grossesses multiples en insémination et stimulation ;
– Risques liés à l’ICSI, il existe un minime surrisque de malformation urogénitale chez les garçons issus de cette technique, du fait de la sélection de spermatozoïdes en amont. Le monsieur a potentiellement des anomalies spermatiques qui peuvent être transmises à un petit garçon, telles qu’un méat pas au bon endroit, risque de cryptorchidie (mauvaise descente des testicules dans les bourses).
Les complications en AMP sont rares, le plus fréquent ce sont les hyperstimulations mais on en rencontre de moins en moins et ça se résout en une semaine. Il n’y a pas trop de risques à long terme concernant les cancers hormonaux dépendants, mais il semblerait que le risque de cancer de l’ovaire et de kyste borderline soit légèrement augmenté.
Quels sont les risques de grossesse gémellaire, aujourd’hui ?
Aujourd’hui nous avons une politique de « single embryo-transfert », pour ne transférer qu’un embryon à la fois et éviter le risque de grossesse gémellaire. Certains parents ont du mal à comprendre et veulent des jumeaux, mais c’est dangereux. Il y a des grossesses qui sont plus à risques. Avant, en cas de PMA il y avait 20 % de grossesses gémellaires, aujourd’hui on est à 7 ou 8 %. Maintenant on pousse les embryons à J5, ils sont plus sélectionnés donc on en transfère un à la fois.
Vous arrive-t-il d’orienter vos patientes vers le don d’ovocyte à l’étranger ?
Oui, souvent, quand on arrive au bout de la prise en charge en intracouple : Espagne, République Tchèque, Belgique… je continue à les suivre, je transmets les ordonnances…
Vous avez co-créé l’association Ma PMA et moi, pour quelles raisons ?
Nous sommes une a Nous sommes parties du même constat du point de vue médical et de celui de la patiente : on n’a jamais assez de temps à consacrer aux patientes pour l’écoute et le dialogue. Le parcours est tellement difficile qu’il y a besoin d’une aide extérieure. Les femmes ont envie de tout ce qui peut les aider, de se sentir accompagnées, écoutées, ce qui va rendre le parcours moins difficile. Donc on a voulu créer une association locale dans le Nord, car il y a déjà le BAMP au niveau national.
Avez-vous l’impression qu’il existe une corrélation entre le corps et le psychisme dans le cadre de l’infertilité ?
J’ai du mal à dire qu’il y a une infertilité psychologique, même si cela doit exister. Qu’il y ait des blocages, certainement. Je suis convaincue que l’aspect psychique participe à l’infertilité. Mais dans le cadre d’une infertilité inexpliquée je dis toujours à mes patientes que c’est parce que la médecine n’a pas trouvé et que ça ne veut pas dire que c’est dans leur tête ni que ce sont elles qui s’empêchent de tomber enceintes. Après, est-ce qu’il y a des choses à travailler ? Peut-être.
Souvent elles ressentent de la culpabilité, surtout dans le cadre des infertilités inexpliquées qui sont les plus dures à vivre car il n’y a pas de mots à mettre sur ça. Elles se disent « si on ne sait pas, c’est de ma faute ». Donc elles doivent trouver des milliers de trucs autour, pour compenser : « de la nutrition comme ça, du yoga comme ça, que j’arrête de boire, que je fasse tout bien » Parfois elles arrêtent de vivre, tout tourne autour de ça et c’est épuisant pour elles.
Au-delà des traitements médicaux, est-il courant que les médecins de la reproduction prescrivent ou conseillent d’autres approches complémentaires ?
En tant que médecins nous sommes très cartésiens et il n’y a pas d’études qui montrent que cela peut augmenter les chances de grossesse mais nous sommes dans le cas de ce qui va faire du bien à la patiente. C’est toujours à elle de trouver des intervenants extérieurs même si on a chacun nos correspondants. On aime bien que ce soient des gens spécialisés, qui connaissent la PMA, sinon cela n’a pas de sens. Mais il n’y a pas d’échange important entre les deux parties alors que cela pourrait être intéressant, j’en suis convaincue.
La nouvelle génération de médecins est plus ouverte à une approche différente. Le bien-être, la prise en charge du corps est plus démocratisée, ce serait bien qu’il y ait plus de ponts pour avoir un accompagnement global de la patiente. En France, la prise en charge psychologique est encore un peu taboue et puis il y a le frein de l’argent. Apparemment il est plus facile de voir un ostéopathe, un hypnothérapeute, mais c’est plus dur d’aller voir un psy, il y a encore des freins.
Que conseillez-vous à vos patient.e.s lorsque l’AMP n’a pas fonctionné ?
C’est toujours très difficile. On aimerait pouvoir leur conseiller l’adoption mais c’est un autre parcours du combattant qui dure des années. Soit ça vient d’eux et c’est un vrai choix, mais quand ce n’est pas le cas, j’ai du mal à le conseiller car c’est un parcours qui peut être très difficile aussi et il y a de moins en moins d’enfant à l’adoption, ce qui est un vrai problème. Sinon, envisager la vie sans enfant, ce n’est pas forcément quelque chose qu’on évoque en consultation.
Parfois, il est nécessaire de dire « stop » aux patients, de les autoriser à arrêter la PMA. C’est parfois notre rôle en cas d’acharnement. Ils ne s’autorisent pas à arrêter tant qu’on ne leur a pas dit de le faire, et ils s’épuisent, le couple en pâtit. Parfois il faut qu’ils reprennent leur vie car tout est fait en fonction de la PMA depuis des années : ils ne font pas la fête, ils ne voient plus d’amis qui ont des enfants, ils partent en vacances en fonction de la PMA…
Parfois, après un passage en commission car on ne prend pas la décision seule, leur dire qu’il faut arrêter est un soulagement pour eux car on les « autorise » en quelque sorte, à passer à autre chose.
Qu’observez-vous après l’AMP, une fois que les femmes sont enceintes ?
C’est souvent dur, les femmes se sentent « seules », « vides », car il n’y a plus tous ces RDV médicaux et elles sont confrontées à leurs angoisses qu’elles doivent gérer toutes seules. Parfois elles « lâchent » après le parcours. Souvent elles disent qu’elles ne réalisent pas, elles se protègent par peur que la grossesse s’arrête, elles ont peur de la fausse couche pendant le premier trimestre. C’est irréel, elles ont du mal à intégrer l’information et parfois elles culpabilisent de ne pas être heureuses à la hauteur de l’attente de l’enfant. Il y a vraiment un temps de latence. Cela peut avoir un impact en post-partum, parfois elles décompensent et toute la PMA leur revient d’un coup car c’est un événement traumatique dans une vie. Elles sont sans doute plus à risque de dépression du post-partum.
Quel conseil donneriez-vous à des personnes en désir d’enfant qui rencontrent des difficultés ?
Avant 35 ans on peut attendre un an et demi avant de consulter. Après 35 ans, faire un bilan au bout d’un an, et quand on s’approche de la quarantaine, il ne faut pas traîner. Si ça ne marche pas dans les 6-9 mois, il faut consulter rapidement.
Dr Aude BRUYNEEL

Je suis médecin de la reproduction, installée à la clinique du Bois à Lille.
Mon métier a toujours été une passion et c’est un grand bonheur pour moi d’aider les couples à réaliser leur rêve, devenir parent.
Bien que très soucieuse du bien être de mes patients et à l’écoute j’ai dû me rendre à l’évidence : le temps dont je dispose en consultation pour les écouter et les soutenir n’est pas suffisant. Il est souvent nécessaire d’y associer une écoute et une aide extérieure, non médicale, à l’écart de tous les détails techniques de la PMA. L’hypnose préconceptionnelle® fait partie de ces aides précieuses permettant aux couples d’explorer et de gérer leurs émotions afin de mieux vivre les traitements et l’attente de la PMA.
Dr Aude BRUYNEEL

Je suis médecin de la reproduction, installée à la clinique du Bois à Lille.
Mon métier a toujours été une passion et c’est un grand bonheur pour moi d’aider les couples à réaliser leur rêve, devenir parent.
Bien que très soucieuse du bien être de mes patients et à l’écoute j’ai dû me rendre à l’évidence : le temps dont je dispose en consultation pour les écouter et les soutenir n’est pas suffisant. Il est souvent nécessaire d’y associer une écoute et une aide extérieure, non médicale, à l’écart de tous les détails techniques de la PMA. L’hypnose préconceptionnelle® fait partie de ces aides précieuses permettant aux couples d’explorer et de gérer leurs émotions afin de mieux vivre les traitements et l’attente de la PMA.